Les chats sont-ils liquides ?

  C’est la question à laquelle le physicien Marc Antoine Fardin du laboratoire de physique de l’ENS de Lyon a tenté de répondre. Son article à ce propos lui a valu le prix Ig-Nobel de Physique en 2017.

  Petite mise au point : Le prix Ig-Nobel est une parodie du prix Nobel décerné chaque année à des recherches qui paraissent totalement inutiles et plus ou moins idiotes, mais qui en vérité ont un intérêt plus profond (ou qui sont réellement inutiles et idiotes). C’est un magazine scientifique humoristique : Annals of improbable research, qui organise ce prix.

  Le principal intérêt de cette question, au-delà d’avoir le titre aguicheur d’un article de tout mauvais site d’information qui se respecte, est d’illustrer des interrogations inhérentes à la rhéologie.

 La rhéologie est la science des déformations de la matière. Tel qu’on l’apprend au collège, on prend en compte trois états : solide, liquide et gazeux. Mais qu’est-ce qu’un liquide ? Si on estime les principaux éléments de définition, un liquide s’adapte à son contenant et s’écoule. (Par « s’écoule » j’entends qu’on ne peut pas le saisir entre les doigts, sinon on décrirait le sable comme liquide alors qu’il possède le statut un peu particulier de solide granuleux.) Qu’est ce qui correspond à cette description ? L’eau, bien sûr, mais quand on regarde l’eau pendant un instant infime, une fraction de millième de seconde lorsque l’on explose un ballon d’eau par exemple, ne voit-on pas une forme solide ? Une montagne, observée pendant des millions d’années, ne finira-elle pas par se déformer, s’éroder, et donc finalement s’écouler ?

    Ce problème du temps est au cœur de la rhéologie, non seulement il faut une échelle de temps adéquate pour observer le phénomène de liquéfaction mais en plus il faut un certain temps au corps étudié pour adapter sa forme à son contenant. Ces deux délais sont appelés respectivement le temps de l’expérience et le temps de relaxation.

   Dans ce cas, le temps de l’expérience est, finalement, le temps que l’on est prêt à attendre pour que le chat épouse son contenant. Le temps de relaxation dépend aussi de la contrainte mécanique (ou stress en anglais) qu’on impose au matériau. Pour le chat, les changements de forme sont plus rapides quand le stress est faible, excepté dans le cas des poils qui se hérissent.

  Maintenant que j’ai évoqué les paramètres qui entrent en jeu, il faut savoir que pour considérer un matériau comme liquide, on compare le temps de l’expérience et le temps de relaxation. Pour cela, on divise le temps de l’expérience par le temps de relaxation. Le résultat appelé nombre de Deborah montre qu’il s’agit d’un liquide lorsque qu’il est plus petit que 1, ou qu’il s’agit d’un solide lorsqu’il est plus grand que 1.

 

  Cependant, pour considérer un chat comme liquide il faudrait qu’il s’écoule, ce qui n’est pas le cas (à moins qu’on l’observe pendant plusieurs dizaines d’années) alors la question est-elle close ? La réponse serait à mon avis qu’étonnamment oui, mais rien n’empêche les possesseurs de chat de se rendre responsables d’expérience diverses (dans le respect de leurs animaux bien entendu) afin de déterminer s’ils sont liquides.

Laure